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Le maintien du confinement : un suicide anthropologique ? (2)

 

On nous promet – sans nous promettre – un déconfinement le 11 mai…

 A l’évidence le gouvernement n’a plus de gouvernail et ne sait pas comment sortir du confinement. Celui-ci reposait sur l’idée selon laquelle il permettrait de passer le « pic » et que s’ensuivrait une baisse rapide du taux d’hospitalisation et de réanimation. Or le pic est devenu plateau : l’épidémie est stabilisée mais « à un haut niveau » comme dit le directeur de la santé. Hypothèse qui n’avait pas été envisagée et qui laisse présager une nouvelle flambée au moment du déconfinement. Alors la nouvelle théorie qui s’annonce est celle du stop and go !

A la moindre alerte, on reconfine.

Autant dire que le suicide anthropologique n’est pas près de s’arrêter… Je le nomme anthropologique car il atteint les sphères économiques, sociales et culturelles (et psychiques) – c’est-à-dire les fondements anthropologiques d’une société.

Il résulte de la conjonction d’un double processus institutionnel et organisationnel : le refus d’assumer la mort et l’incurie gouvernementale ; ce qui conduit les sociétés occidentales à sacrifier l’avenir de leurs enfants pour ne pas avoir à affronter la mort massive de leurs ainés.

 

Evoquons tout d’abord la question organisationnelle : il est évident qu’il s’agit du résultat annoncé des politiques néo-libérales initiées par Thatcher et Reagan dans les années 1980. En France, elles se sont traduites - entre de nombreuses autres - par la casse systématique de l’hôpital public ces vingt dernières années. Et maintenant nos soignants sont des héros ! On ne cesse de les remercier ! Il faudrait les applaudir tous les soirs à 20h ; tout ça après les avoir ignominieusement traités pendant des mois alors qu’ils criaient leur détresse face à un hôpital en perdition ? Nos soignants, ce sont les « liquidateurs » du covid19[1]. Sans équipement, ils écopent à la petite cuillère les effets de l’épidémie. Mais, oh miracle, voici la manne tombant des cieux : l’état, subitement converti à une politique interventionniste, laisse couler à flot continu des milliards… pour offrir une misérable prime de 1000 euros aux « héros » de la nation.

 

Venons-en maintenant à ce que j’appelle la question institutionnelle : notre rapport à la mort tel qu’il se découvre à l’occasion de cette crise. Je le pose comme une question institutionnelle car le rapport qu’une société entretient avec ses morts est un indice important de l’anthropos sur lequel elle repose. Ce rapport à la mort participe de sa dynamique instituante. Or à l’évidence nous sommes devenus une société gérontophile dominée par le refus de la mort, ce que je mets du côté de la pulsion destructrice, de la pulsion de mort… S’ouvre alors le paradoxe que j’essaie de souligner avec ma formule d’un suicide anthropologique : une société qui se détruit pour sauver ses anciens d’une mort certaine et proche.

Ainsi, on se voit imposer de renoncer à la vie pour sauver ceux qui ont déjà vécu la leur. On pourrait finalement y voir quelque chose d’une vengeance involontaire de nos anciens : nous voilà, comme eux, confinés, réduits à regarder la vie par la fenêtre. Sauf que le raisonnement tient tout autant pour eux puisqu’on leur demande - qu’on leur impose -  de renoncer au peu de vie qu’il leur reste (les contacts avec la famille, les animations, les sorties) pour leur propre survie.

Renoncer à la vie n’est pas qu’une formule. S’il s’agit certes de renoncer à tout ce qui fait le plaisir de la vie : une promenade au bord de mer, un resto entre amis, un ciné ou un spectacle vivant, une visite en famille… Il n’y a pas que cela. A force de les « flipper » via les médias, les gens n’osent plus se faire soigner. Tout le monde sait qu’il s’agit là d’une bombe à retardement et qu’une nouvelle crise sanitaire se profile. Sans compter la suspension des opérations programmées, opérations dites non-urgentes. Non urgentes jusqu’à quand ? Jusqu’à quel degré ? C’est toute la qualité de vie des seniors sur les vingt prochaines années qui est en jeu. Car on ne parle pas là de chirurgie esthétique mais bien de chirurgie réparatrice / supplétive : prothèses, greffes et autres. Ainsi, non seulement on confine les jeunes générations pour assurer la survie des seniors et des super-seniors[2] mais on empêche ces derniers d’accéder à ce qui leur est fondamental : une intervention chirurgicale dite non urgente mais déterminante pour leur qualité de vie dans leurs vingt prochaines années. En d’autres termes, en plus du sacrifice imposé aux jeunes générations, on va imposer à ces seniors de vivre leurs vingt dernières années avec une qualité de vie dégradée au regard de ce qu’ils pouvaient espérer sans ce confinement. A charge pour les jeunes de financer la prise en charge de leur dépendance !

Toute cette destructivité pour ne pas affronter la mort ? Fascinant paradoxe pour la théoricienne, désespérant constat pour la femme ordinaire.

Reste qu’il faudrait se mobiliser pour offrir un accompagnement et une mort digne à tous ceux que le coronavirus emporte. Et on sait - ce qui là aussi participe du paradoxe vertigineux de ce confinement - que c’est loin d’être le cas : mort sans sédation, mort sans accompagnement par les proches, obsèques quasi clandestines …

 

Mais comme chacun sait le Français est un « Gaulois réfractaire », inéducable, incapable de se servir d’un masque ou de faire preuve de civisme. Reste alors à le confiner et à s’en assurer avec drones et autres contrôles – jusqu’à la délation des voisins… et considérer l’achat de couches culottes ou de protections périodiques comme des produits non-urgents… ou transgressif le fait d’aller signifier son amour à travers une vitre à son mari confiné (incarcéré ?) dans son EHPAD…

 

 

 

[1] Pompiers envoyés éteindre la centrale en feu après l’explosion de Tchernobyl. Tous morts peu après mais reconnus héros de la nation.

[2] On parle de plus en plus de super-centenaires

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